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Dominique Egret: Arno Breker, l'Eternel

Wigbert Grabert published an excellent art-book

 

 

Berlin/Paris/New York (bpb) The French art historian Dominique Egret has written the essay for the book "Arno Breker--a Life for the Beautiful"--Arno Breker--Ein Leben für das Schöne. The French book designer Claude Michel worked together with the famous European Publisher GRABERT in Germany. Wigbert Grabert has published this extraordinary book. It is illustrated with many hundreds reproductions of Brekers work. In USA the book can be ordered for 50 $ via zavrel@meaus.com and in Europe from: info@europaeische-kultur-stiftung.org

 

Dominique Egret, the expert on classical sculptures of the XX. Century, writes in the book:

« Auguste Rodin--le sculpteur majeur de la tradition classique du début de ce siècle--a eu des successeurs de renom : Charles Despiau et Aristide Maillol. Mai si nous devons mentionner ces trois noms, il faut aussi se rappeler d'une quatrième personnalité représentative de cette école parisienne dont la vitalité humaine était le centre de la créativité artistique : Arno Breker.

Je me souviens avec beaucoup de plaisir personnel de ma première rencontre avec Breker à Paris dans les années 20. Deux ans plus jeune que moi, il attirait l'attention par sa vision universelle, sa tolérance et son ouverture d'esprit. . . A l'époque, je travaillais entre autres choses, sur des petites sculptures en fil de fer qui étaient montées sur des disques tournants, et que je mettais en mouvement au son de marches militaires allemandes et autrichiennes. Breker trouvait mon travail intéressant, bien qu'il ne supporta en aucune manière la musique militaire. . . Aujourd'hui à des décennies de distance, je puis dire sans la moindre hésitation : Arno Breker est le sculpteur vivant primordial de la tradition classique de notre temps. »(B. John Zavrel, "Arno Breker: His Art and Life", West-Art, Clarence, New York 1985) Cette longue citation, particulièrement élogieuse, est tirée d'un texte écrit dans les années soixante-dix par d'Alexandre Calder, sans nul doute le sculpteur américain le plus célèbre du monde. Un avis d'autant plus précieux que les deux artistes ont partagé le même atelier parisien.

C'est dire si modernité et classicisme, art contemporain et figuration réaliste ne s'excluent nullement. Alors qu'on s'interroge, à l'instar du sociologue français Jean Baudrillard, en cette fin de millénaire, sur le devenir de l'art actuel et la pérennité d'un certain nombre de "valeurs" provisoires, nombre découvrent qu'-un certain art, dit moderne, a abouti en réalité à une impasse. Comme l'écrit Jean Clair, directeur du Centre Beaubourg puis du Musée Picasso, et qui ne peut donc être à priori soupçonné d'anti-modernisme primaire, « les années 60 et 70 furent donc une période de glaciation. . . Nivellement. Monotonie. Plongée dans l'indifférencié. La création sembla succomber elle aussi au grand vertige des théories égalitaires. Reflux morose. Un seul regard devait permettre d'embrasser tous les phénomènes de l'art. Un art un, pour tous, par tous. La grande abolition des différences : tournoiement monotone des formules dont on a depuis longtemps oublié le sens. » (Jean Clair, 'Considérations sur l'état des beaux-arts. Critique de la modernité", Gallimard, Paris 1983)

Malheur pour les uns, bonheur pour les autres. Aujourd'hui, un important public cultivé, lassé des modes et des fausses valeurs, souhaite se ressourcer auprès des vraies valeurs, redécouvrir ce dont une certaine modernité l'avait privé au profit de l'idée ou le pur concept : la beauté. A ces aspirations, l'immense sculpteur allemand (on devrait dire franco-allemand, puisque ce descendant de huguenots français me confiait pouvoir rêver en français, tant ses souvenirs de Montparnasse demeuraient présents cinquante ans plus tard), Arno Breker, qui connut un destin hors du commun, peut parfaitement répondre.

Toute sa vie a en effet été consacrée à la beauté, valeur suprême pour Nietzsche, suivant en cela le chemin tracé par les maîtres éternels de l'art européen, les Grecs Phidias et Praxitèle, le Florentin Michel-Ange, les Français Daumier, Carpeaux (qui exerça une influence profonde sur lui) et Rude. A l'image des lettrés de la Renaissance, Breker revendique d'abord l'héritage grec, creuset dans lequel s'est forgée l'esthétique européenne. La Grèce et ses légendes seront des thèmes récurrents dans son œuvre. La mythologie du pays d'Homère (dont est issue sa première épouse, Demetra, sera une intarissable source d'inspiration : "Prométhée" (1935&endash;1937), "Dionysos" (1935&endash;1937), "Psyché" (1941), torse d'Apollon (1944), puis "Icare" (1969), sans oublier le grandiose "Alexandre le Grand" (1982), l'une de ses œuvres ultimes dont l'attitude est une invitation à la grandeur.

Il ne s'agit pas pour Breker de refaire de l'antique, car toute tradition doit bouger sous peine de périr, mais au contraire de garder l'essence au travers de formes différentes. Le recours, et non le retour, aux racines. Des Grecs de l'âge classique, le sculpteur a totalement intégré le sens du tragique, harmonieusement marié avec un romantisme germanique tempéré. Si Auguste Rodin a immortalisé "Le Penseur", Arno Breker a éternisé à jamais l'homme défait pas le destin avec "Le Guerrier blessé", œuvre majeure d'une tonalité à la fois nietzsché-enne et tragiquement humaine par son thème, la chute.

Son art, Arno Breker le veut près du peuple et pour le peuple, ornant les rues et les places, décorant les façades et les fontaines. Pour lui, l'art, c'est la vie. A l'opposé de la morbidité, de la dérision ou du mépris du corps humain, le sculpteur doit d'abord éveiller chez celui qui contemple son art une sensation d'apaisement, de joie ou d'appel à l'héroïsme. Comme l'écrit son ami, l'écrivain Ernst Jünger : « Dans toute forme bien marquée, réside quelque chose de plus que la forme. » (Ernst Jünger, "Le Cœur aventureux", Paris 1929) C'est ce « quelque chose » qu'a saisi Breker et qu'illustre étonnamment le rayonnement, au sens classique du terme, d'un bas-relief comme "Apollon et Daphné" ou d'un "Toi et Moi" (le célébrissime "Du und Ich". Mais c'est également dans le difficile, et souvent ingrat exercice du portrait, un genre trop méconnu des critiques ou amateurs d'Arno Breker, que transparaissent toute sa sensibilité, son exceptionnel savoir-faire, bref, le génie de l'artiste. Ce dernier ne se contente pas en effet, comme tant d'autres, de reproduire seulement l'enveloppe externe du modèle, mais intègre sa dimension spirituelle, sa forme cachée, que seuls les grands artistes sont capables d'imprimer dans la glaise. « Arno Breker, écrira l'académicien français Paul Morand, est un sculpteur dont le monde est l'atelier: d'Europe en Afrique, de Düsseldorf à l'Amazonie, ses admirables bronzes, ses bustes, auxquels un ciseau puissant donnent la vie, font de lui, l'iconographe de notre époque. »

Avec plusieurs centaines de portraits (dont il ne peut dire lui-même le nombre), Arno Breker a effectivement modelé, et c'est un des aspects particulièrement insistants de cet ouvrages, la plus importante galerie de têtes de la seconde moitié du XXe siècle. Et cela, avec une étonnante diversité dans le choix des modèles. Des amis de jeunesse, tel le peintre allemand Otto Dix (1926), un des maîtres de l'expressionnisme, ou le grand peintre juif allemand Max Liebermann (1934), les camarades de l'Ecole de Paris (Vlaminck, Dunoyer de Segonzac) ou le maître Aristide Maillol. Et plus tard, le surréaliste espagnol Salvador Dali (1974), le peintre autrichien Ernst Fuchs, le poète américain Ezra Pound (1964), l'acteur français Jean Marais, les écrivains Louis-Ferdinand Céline ou Ernst Jünger, le grand collectionneur allemand Ludwig, ou encore le poète Jean Cocteau, l'ami et le soutien inaltérable de quarante ans. Mais aussi la série de la dynastie Wagner, que chacun peut admirer aujourd'hui à Bayreuth. Ces bustes pénétrants, qui ont toujours quelque chose de romain par leur réalisme viril, témoi-gnent tous d'une psychologie pénétrante tout autant que d'une habileté étourdissante.

Cette maîtrise, cette capacité à spiritualiser la matière renvoie intrinsèquement à la statuaire française et à son influence sur Breker. Comme ce dernier l'écrivait à propos de Rude, qui sculpta les bas-reliefs de l'Arc de Triomphe de Paris : « Et si l'on évoque la décoration, peu de bas-reliefs approchent la perfection de sa Marseillaise. » (Arno Breker, "Im Strahlungsfeld der Ereignisse 1925&endash;1965", Schütz, Preußisch Oldendorf 1972)

La France, la Grèce antique et la Renaissance italienne, les trois pôles qui, alliés à un style très personnel, donneront naissance à une œuvre qu-'on pourrait résumer ainsi : Harmonie, Beauté, Spiritualité.

Derrière l'artiste se profilent aussi sa formidable curiosité intellectuelle, son exceptionnelle érudition, sa maîtrise du dessin, des formes et de la matière (on oublie trop souvent qu'il fut également architecte, gagnant ainsi sa vie après la Seconde Guerre mondiale). Il fut également un homme généreux d'une parfaite urbanité. Il suffit d'avoir connu ou recueilli les impressions de ceux qui l'ont approché ou qui firent appel à lui dans les moments difficiles pour comprendre que l'homme n'est en rien inférieur à l'artiste. Au plus fort de la Guerre, on prête par exemple à Pablo Picasso, alors menacé, ce mot symbolique : « Seul Breker peut me sauver. »

Maltraité par l'histoire alors qu'il était au faîte de sa créativité, n'ayant que quarante-cinq ans en 1945, il ne dut qu'à une volonté et une foi étonnantes de persévérer, tenant toujours sa ligne morale et esthétique, alors que l'essentiel de son œuvre antérieure (pourtant préservée des bombardements) avait été systématiquement saccagée par les vainqueurs. C'est aussi grâce au soutien sans faille de sa famille et de personnalités comme Joe F. Bodenstein, fondateur et inlassable promoteur du Musée Arno Breker, dans le cadre plus étendu des « collections et expositions d'art européen », installé au château de Nörvenich (à quelques kilomètres de Cologne et de Bonn), que l'œuvre d'Arno Brekler connaît aujourd'hui une renaissance méritée.

 

Pourquoi ce livre?

Parce qu'il s'agit de la premièrte monographie internationale d'envergure permettant de couvrir dans sa totalité le parcours complet d'Arno Breker, de l'aurore des années vingt jusqu'aux dernières réalisations des années quatre-vingts. Et cela, en une trajectoire beaucoup plus variée et imprévue que la plupart des spectateurs ne pourraient l'imaginer aujourd'hui.

A trois exceptions près, cet ouvrage est consacré essentiellement à l'art sculptural de Breker. Les personnes ayant contribué à sa réalisation espèrent qu-'une nouvelle monographie Breker, consacrée cette fois-ci à son art graphique, pourra voir le jour ces prochaines années.

L'initiative de cette monographie a été prise par le Musée Breker désirant pouvoir proposer à ses visiteurs une sorte de catalogue. Pour cette raison, les œuvres ont été reproduites, dans la mesure du possible, dans l'ordre chronologique de leur réalisation. En annexe, le lecteur trouvera des informations intéressantes concernant entre autres les caractéristiques techniques des œuvres et la bibliographie.

Cet ouvrage vient surtout combler un vide injustifié qui permettra enfin à l'amateur éclairé de regarder, d'apprécier et de juger en toute indépendance le travail complet d-'un des sculpteurs majeurs du XXe siècle à partir de son œuvre, et non pas au travers d'une présentation partiale et partielle. Rendons pour cela hommage à Wigbert Grabert et à son assistant Claude Michel pour le soin apporté à la réalisation de ce bel ouvrage d'art. Remercions également M. Mortimer G. Davidson qui nous a donné son accord pour utiliser des éléments de sa biographie consacrée à Arno Breker dans son ouvrage encyclopédique "Kunst in Deutschland", tome 1, ainsi que la bibliographie.

A présent que nos yeux s'emplissent de ce jaillissement esthétique, que notre esprit savoure ce moment privilégié qui nous entraîne loin du monde matériel, en appréciant le don que nous a légué à jamais l'artiste.

 

Dominique Egret, Paris

 

 

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Nr. 84, Autumn 2002